Manque de créativité dans les entreprises

Un mal français ?

Beaucoup de littérature est écrite sur le sujet... le besoin de plus de créativité dans nos entreprises est une réalité. Si le manque est patent et se fait plus sentir aujourd'hui qu'en période de croissance forte, il trouve des éclairages pluriels, sans que ce soit une fatalité.

« Si tu as une pomme et moi j'ai une pomme et nous les échangeons, alors nous aurons toujours une pomme. Mais si tu as une idée et moi j'ai une idée et nous les échangeons, alors nous aurons deux idées » George Bernard Shaw

L'éclairage culturel

Que requièrent la créativité et les processus qui permettent l'innovation en entreprise ?
A tout le moins, elles demandent de la souplesse dans l'organisation, de la responsabilisation, de la prise de risque (ou tout du moins d'initiative), un esprit de challenge et de compétition, une capacité de prise de décision rapide.
La grille de lecture proposée par Geert Hofstede pour comprendre les différences de cultures dans le monde est riche d'enseignement sur le sujet spécifique de la créativité.

1. Référons nous d'abord à la relation au pouvoir : innovation et créativité seront facilitées par de la prise d'initiative, des changements par évolution plus que par révolution. Les cultures où la relation au pouvoir est faible seront donc plus alertes ; la France compte plutôt parmi les pays où la relation au pouvoir est forte
2. Prenons également la clé « masculinité – féminité » : l'innovation facilitée par des prises de décision rapide, par l'esprit de compétition qui vient stimuler les individus et la recherche de performance. Ces caractéristiques sont celles de pays comme les USA, le Japon et la Chine alors que la France se retrouve plus dans des cultures plus féminines ou modestie, qualité de vie et recherche de consensus comptent.
3. Nous pouvons compléter cette grille de lecture en prenant appui sur la clé de la relation à l'incertitude : les cultures qui se satisfont de l'incertitude sont plutôt flexibles, la compétition et l'échec y sont vécus comme naturels. Autant d'éléments prédisposant à la créativité. Là encore, la Chine et les USA seront plutôt à l'aise face à l'incertitude et au changement, tandis que la France, avec son sens aigu de l'expertise, le sera moins.

L'éclairage organisationnel et systémique

Le cloisonnement des équipes n'est pas facteur d'ouverture et de brassage d'idées. Les différents échelons hiérarchiques « censeurs » des boites à idées qui avaient essaimé dans les années 80 dans nos usines ont été de véritables fossoyeurs d'innovation et ont incité les plus téméraires des acteurs (ceux qui osaient proposer des idées nouvelles) à rentrer dans le rang.
Depuis quelques années, les différentes formes de lean ont cherché à améliorer l'efficacité de nos organisations : il semble qu'en France les innovations organisationnelles soient les plus répandues !
Les innovations organisationnelles s'attachent plus à faire mieux avec l'existant qu'à investiguer de nouveaux terrains de jeux. La recherche de performance est louable, mais comment développer de nouveaux produits, de nouvelles offres, comment créer de la valeur ?

Quels antidotes mettre en place? Qu'est-ce qui différencie les 'meilleurs' ?
Je partage assez volontiers 3 facteurs de l'innovation mis en avant par le Dr Richard Florida : l'accès aux technologies, la disponibilité des talents et la tolérance aux idées nouvelles.
Si le premier facteur est technique ou organisationnel, les deux autres facteurs laissent la part belle au facteur humain. Les questions ci-dessous pourront aider chacun à réfléchir aux champs à explorer :

• Quelles sont les valeurs intrinsèques de l'entreprise ? Quelles sont celles sur lesquelles elle met l'accent actuellement et comment le fait-elle concrètement, au-delà des mots, pour favoriser la créativité individuelle et collective ?
• Quels sont les espaces temps et les espaces physiques que je laisse à mon équipe pour réfléchir autrement et se projeter à moyen terme, au-delà des contingences court-termes ?
• Comment l'entreprise valorise-t-elle les bonnes idées ?
• Comment la contradiction et les débats d'idées sont-ils acceptés, sans recherche de consensus ?
• Qu'est-ce qui a été fait, ces dernières années, pour plus responsabiliser et moins contrôler, à chaque niveau hiérarchique ? Comment l'autonomie a-t-elle été renforcée ? En quoi l'esprit d'entreprise est-il favorable à la prise de risques ?
• Quels sont les éléments qui vous permettent de parler d'un véritable travail d'équipe au sein de votre entité ?
• Quelles sont les actions de formation qui ont réellement contribué au développement des compétences, à l'ouverture vers d'autres univers ?

Et votre entreprise, où la situez-vous ?

Entreprise créative	Entreprise non créative
Orientation sur ses marchés	Faible surveillance des marchés
Flexibilité	Rigidité
Leadership participatif et transformateur	Prise de décisions depuis en haut
Adaptation continue	Crainte face aux nouveautés
Partage de connaissances	Centralisation de la connaissance
Reconnaissance de la prise de risque, tolérance à l'échec, responsabilisation et autonomie, incentive à la créativité	Sanction des erreurs, décisions centralisées
Communication ouverte	Faible culture collaborative
Structure hiérarchique légère	Hiérarchie formelle